20 février : on approfondit avec les Hadza

Les Hadza vivent près du lac Eyazi à environ une vingtaine de kilomètres de Mwangeza. Ils viennent ici transportés en moto par Pascal, un Hadza. Pascal a suivi une formation militaire espérant trouver ensuite un emploi dans l’armée mais apparemment, il n’a pas été retenu. Il s’est donc converti en taxi moto. A Mwangeza, on a réservé des chambres du Guest House de façon à accueillir les Hadza qui restent avec nous environ 3 demies-journées. La première où ils observent le locuteur précédent, la deuxième où on les enregistre, la troisième où ils passent le relai avec le suivant. On passe une demie journée par locuteur car le corpus est long : les Hadza possèdent plus de 70 consonnes différentes dont une douzaine de clics, ainsi que des séquences labialisées et nasalisées complexes. On enregistre à la fois avec EVA mais aussi en acoustique pur pour avoir des enregistrements audio de bonne qualité. Si on rajoute les labio films, ça prend du temps, d'autant plus que deux ou trois fois par jour, il y a des coupures d'électricité qui interrompent le recueil de données.

Ce matin, la moto qui transporte les Hadza de chez eux à Mwangeza est arrivée tard. Le chauffeur a eu peur d’un troupeau d’éléphants qui trainait sur la route. Ils n’ont peur de rien sauf des éléphants qui les terrifient. J’en ai parlé avec eux et Janja Eko m’a expliqué que pour tuer un éléphant dangereux, il faut couper la trompe d’un seul coup. Surtout ne pas essayer de l’attraper car il est trop fort. Janja Eko veut dire léopard. Nous l’avons enregistré́ en train de raconter une rencontre avec un léopard.

Janja Eko donne son consentement puis on l'enregistre

Malgré sa bonne volonté, Janja Eko n'a pas réussi à supporter la sonde pharyngale. Nous avons tout de même enregistré un beau corpus avec EVA2 et en labiofilm, avec des consonnes à clic labiales qui ressemblent à des bisous.

A midi, j’ai préfèré faire une sieste plutôt que d’aller manger. Je commence à saturer sur le riz, les haricots et le maïs. J’ai bien dormi.

Puis Didier est venu me réveiller car la prochaine Hadza était arrivée. Elle avait emmené avec elle des colliers et bracelets Hadza. On a fait notre marché local, authentique. Alors que je croyais qu’on allait avoir du mal avec elle, Mirimo s’est avérée de loin la plus tonique des locutrices. Elle m’a saturé les capteurs.

Andrew et Richard font un super boulot d'élicitation.

Aujourd’hui, en fin d’après-midi, la moto est venue récupéré Janja Eko et a déposé notre locuteur de demain. Mirimo est restée là car c’est un vieux truc d’anthropologie : il est bon de garder toujours avec toi deux informateurs pour qu’ils ne se sentent pas isolés. Didier est allé acheter deux bières au Paris Pub, un bouiboui en face du Guest House dans lequel ils ont quatre bières et un écran de télé sur lequel ils diffusent des matches de foot et des films chinois ou coréens. Comme les deux Hadza étaient dehors avec nous, je suis allé leur acheter à boire aussi. Ça y est. Je sais faire ça. Merci Google Translate qui s’avère utile pour essayer de parler swahili. Pourquoi n’y ai-je pas pensé avant ? Bref je suis revenu avec deux bières (« mbili bia » en swahili) et Didier m’a fait flipper en disant qu’on n’avait peut-être pas le droit. Au Brésil, c’est interdit de donner ou vendre de l’alcool aux indiens. Je trouve ça super débile car s’ils veulent de l’alcool, ils savent en fabriquer avec du miel ou alors ils en achètent quand ils veulent.

Ce soir pour la première fois, je commence à me sentir à l’aise. Les enfants du village viennent nous voir comme au zoo et ils s’amusent avec nous. Le gars du pub m a rendu la monnaie quand j’ai ramené les bouteilles de bière consignées. Je commence à ne plus voir ce qui me paraissait fou quand on est arrivé en Afrique.