15 février : nos premiers pas chez les Iraqw

Le soleil se lève tôt et me réveille. Tout le monde est debout. J'avale un café́ avec une tartine et du miel. La Tanzanie est productrice de café mais la production est essentiellement exportée. Seuls les musulmans en consomment. Les autres boivent de l'Africafé, un instantané plutôt bon.

Puis arrivent des « tchapatis ». Devinez : des crêpes super bonnes version Kwermusl. En fait les Tchapati classiques ressemblent plus à du pain azyme frit. Normalement, il n'y a pas d'oeuf. Mais l'ajout d'oeuf dans la pate à Kwermusl est surement une influence de Maarten qui est un habitué. Ca fait 40 ans qu'il étudie l'Iraqw notamment à Kwermusl. Il parle parfaitement le Swahili. J'apprends mes premiers mots.

Puis on met tout en route. L’électricité disjoncte. On a trop de charge. Faut que je jongle dans la recharge des batteries. Les enregistrements sonores sont pourris.  L’ordi redémarre inopinément. On perd des données.

Pas facile les enregistrements de terrain, mais on garde la bonne humeur

Le coq du poulailler braille de longue. On a un agneau qui s’échappe et vient bêler devant le micro. C’est la galère. A chaque pause, j’essaie de trouver des solutions. Et peu à peu, je règle les problèmes, on s’organise mieux. Les Iraqw s’enfoncent tout seul la sonde de pression pharyngale dans le nez.

L’élicitation se passe de mieux en mieux. Je bricole un pied de micro avec une chaise.

On arrive de mieux en mieux à prendre des données de palato et les labiofilms.

C'est crevant. C’est l’usine. Maarten a prévu 6 locuteurs. On en fera 5 en dix heures.

On finit vers 18h. On est claqué.

On part se balader dans les environs. La lumière et les paysages sont saisissants. Les regards des villageois sont curieux mais nullement agressifs. On découvre un terrain de foot, l’église, du bétail guidé par des gamins à peine plus grands que Maurin.  Devant certaines maisons, il y a de la bouse qui sèche. C’est pour en faire du combustible. Efrem nous explique que ce sont les maisons dans lesquelles il y a des femmes. Je ne comprends pas bien le lien, y voyant au départ un code social (les femmes mariés exposent leur statut en étalant de la bouse de vache ???). Mais c’est tout simplement car il s’agit d’un travail strictement féminin. Donc les maisons sans femme ne font pas ça, faute de "main d'oeuvre". Tout est codé. A midi, les femmes se sont servis à manger après les hommes et j’ai failli commettre un impair en invitant l’institutrice du village à se servir avant moi. La courtoisie n’est pas de mise ici. Mais surtout, ne rien laisser transparaitre pouvant laisser imaginer un avis critique. Je prends quelques photos discrètes car je ne suis pas en safari.

Demain c’est dimanche et Efrem m’invite à la messe. Mais d’une part, on a dix heures d’enregistrements. D’autre part, je lui indique que je ne vais plus à la messe. Il me pose plein de questions. Il me demande pourquoi la France n’envoie pas son armée pour faire arrêter les feux en Amazonie. Il est surpris que j’ai trois enfants. Il pensait que la loi interdisait plus de deux. Je sens que le grand écart est parfois si important que je n’ose pas parler de certaines choses.

Ce soir, au repas, on a mangé́ du poulet. J’apprends que c’est le coq qui a perturbé́ nos enregistrements de l’après-midi. Nous serons plus tranquilles demain. On bosse ensuite avec Maarten et Didier pour améliorer le corpus de demain.	Puis passage à la douche cahute et aux toilettes avec une lampe frontale. Je comprends le principe : à gauche la douche, au milieu le wc pour les liquides, à droite le WC pour le solide mais au fond du trou tout est relié. La douche sert de chasse d’eau aux WC. Demain, j’irai d’abord aux WC puis à la douche. C’est évident.